À peine un papillon est-il né qu'il essaie ses ailes. Son
premier mouvement est celui qui le plonge ivre mort vers l'azur


Réjean Ducharme
L'Avalée des avalés

dimanche 21 novembre 2010

Tous au Salon

J'ai déjà aimé le Salon du livre de Montréal.  Presque au point d'y traîner ma glacière pour y passer 12 heures.   C'était avant.  Maintenant j'entretiens avec ce Salon une espèce de relation d'amour et de haine, un peu comme avec mon dernier amoureux.  On s'est fui pendant deux ans et maintenant on arrive à se revoir de temps en temps, en amis, parce qu'on s'aime bien un peu quand même et on s'arrange pour aller au cinéma, question d'économiser les mots ; puis je peux tenir son popcorn, lorsque lui prend l'envie d'enlever ses souliers.
Je ne fais plus de mes visites au Salon un événement annuel.  Parce que j'ai de la misère avec l'idée de payer 8 piasses pour entrer dans un genre de magasin à grande surface planté sur le quai de la Station Berri-UQAM à 17h15 ;   je pourrais facilement choisir de rester chez moi et lire ce que je n'ai toujours pas lu, un an après l'achat ;  j'ai l'impression d'aller travailler et je vais inévitablement rencontrer des collègues et, vu qu'on est des gens polis, on va dire "Hon allo, pi qu'est-ce que t'as acheté? "   Pas envie d'étaler mes achats de "ça pi ça pi ça pi ça pi ça pi ça pi ça pi ça pi ça ; j'ai aussi acheté un abonnement à la revue ça et, l'addition de tous ces "ça" totalise ÇA", pour finalement entendre "C'est sûr que toi t'as pas deux enfants, deux chiens et une mini-fourgonnette, tu peux te payer ÇA".       Puis il y a l'air de la Place Bonaventure qui me rend malade.  J'ai toujours un mal de coeur carabiné si je reste là plus que deux heures.  Fouillez-moi pourquoi.  L'odeur corporelle de trop de monde en même temps?   Un système de ventilation désuet?  Aucune idée.  Bref, je sirote présentement une tisane anti-nausée plutôt qu'un verre de rouge.
Et la majorité des gens qui vont au Salon, que vont-ils chercher exactement?  Les conférences sont fréquentées par deux pelés et trois tondus, les petits éditeurs marginaux regardent au plafond en se demandant s'ils devront finalement se résigner à publier les mémoires du clown Patof pour éviter de mettre un cadenas dans la porte.  Plusieurs enfants y traînent leurs parents, quelques fans viennent rencontrer leur auteur préféré.   Le plus long line-up : India Desjardins.  Des dizaines d'autres se livrent en pâture, en séance de signature, et n'ont même pas besoin d'avoir un stylo dans leur poche, personne ne viendra les voir.  Surtout pas moi, jamais de la vie!  Mais ça fait partie du plan de marketing et du service après vente, je suppose.  Triste.  Mais ils n'écriront pas pour autant un livre de recettes de soupes l'an prochain, comptez pas sur eux....
C'est peut-être pour ceux-là que j'y vais, tout compte fait.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ouais, assez dégueu tout ÇA: c'est pour ÇA que j'y vais pas. :DD

Nel a dit…

Je n'y suis jamais allé, essentiellement pour des raisons géographiques. Mais j'ai déjà fréquenté celui que l'on tient en Trifluvie, et qui n'est guère mieux.

Plutôt déprimant, en effet, de voir le poète manger son chapeau dans un recoin obscur, alors que Denise Bombardier et Soeur Angèle monopolisent toute l'attention...

Carl a dit…

"Les mémoires du clown Patof". Je serais preneur.